Rencontre... (2/3)

Publié le par thomas dellart

Finalement, nous décidons de rester dîner. La partie restaurant prend place sous des voûtes dix-huitième créant une atmosphère particulièrement romantique. Nos regards se croisent, mais elle ne cherche pas à le soutenir. Cette attitude de timidité lui donne beaucoup de charme. Je lis dans ce regard une pointe de doute, comme une hésitation. La peur de ne pas plaire ? Elle a besoin de combler le silence de paroles. Je la laisse donc parler. Visiblement, elle veut passer pour une femme qui a la tête sur les épaules, qui ne se laisse pas emporter par ses émotions. Mais la situation appelle au contraire à une attitude de séduction, à jouer et provoquer un peu. J’imagine sa tension intérieure : elle ne veut pas passer pour une fille facile, veut sauver les apparences. D’un autre côté, sa force vitale piquée par le désir la pousse sur des sentiers inconnus. Pour l’amuser, je lui raconte de précédentes rencontres un peu cocasses. Elle s’épanche un peu, et la conversation devient plus intime. Elle me parle de sa dernière histoire, avec un homme qu’elle considère comme un Don Juan. Je lui demande alors ce que représente pour elle ce personnage chargé de symboles.
Elle me le décrit alors comme quelqu’un qui consacre tout son temps et son énergie à séduire. Il ne peut voir un morceau de peau, une cheville sans chercher à conquérir la belle. Mais il n’est jamais satisfait ; il porte en lui une image féminine idéale qu’il ne peut trouver, et dont la recherche devient une quête sans fin. Malgré tout, cet idéalisme et ce côté insaisissable lui donnent beaucoup de charme… Pour elle, Don Juan est avant tout un héros romantique. Bien que séducteur insatiable, il sait mettre en valeur le charme de chacune et faire en sorte que toute femme se sente précieuse. Je lui expose mon interprétation, plus proche de celle de Molière, pour qui Don Juan est un égoïste cynique. Hypocrite, calculateur, orgueilleux, il possède l’art de manipuler tous et toutes, il séduit par le discours pour faire céder la femme qu’il désire. Celle-ci perdant alors tout intérêt à ses yeux, il la délaisse pour une nouvelle proie à conquérir. Ce Don Juan va ainsi de femme en femme, obsédé par l’esprit de conquête et en même temps effrayé à l’idée qu’une seule puisse lui échapper. Ces emballements à répétition ont le don de l’enivrer. Finalement, il ne maîtrise rien. Il est lui-même l’instrument de sa propre séduction. Il subit les événements, et à trop promettre, ses maîtresses vont se retourner contre lui, puis il va finir par faire l’objet de l’opprobre général. J’aime bien l’interprétation de Molière, car il le définit aussi dans son rapport à la société. Bien sûr, en recherchant le plaisir et la jouissance de l’instant présent, Don Juan est soumis au bon vouloir des femmes ; mais il va aussi constamment s'opposer aux contraintes et aux règles sociales, morales et religieuses. Il est finalement rejeté, ce qui permet aux bien-pensants de renforcer les règles de la bonne moralité.

Don Juan est un bouc émissaire idéal.

Elle agite ses mains devant elle comme pour se donner une contenance. Mais je vois bien que son empressement est un peu forcé. Je lui touche deux doigts, puis je lui prends la main tout en parlant. Le toucher du grain de sa peau est particulièrement agréable. Elle est un peu gênée de cette intimité aussi soudaine, puis elle parait apaisée, comme si ce contact avait permis d’évacuer son trop-plein d’énergie.

Je sens pendant le dîner qu’elle se laisse aller. Je lui passe les doigts dans les cheveux, je remonte la mèche blonde qui s’est échappée. Elle s’agrippe à ma main. La serre fort. Je ressens une réelle attirance. Je continue de parler. De quoi ? Je ne sais plus… quelle importance ?

Nous sortons de table. Elle m’embrasse en me remerciant. Je la prends par la taille, j’approche mes lèvres… je l’embrasse sur le bord de la joue, sur la peau fine, tout près de l’oreille. Nous voilà sur la place du Parlement, à la symétrie si particulière. La fontaine au centre donne un côté dolce vita italienne qui dénote un peu avec le style majestueux dix-huitième des bords de Garonne.
Nous marchons, sans destination précise. Le tissu blanc de sa robe met en valeur la peau bronzée de ses jambes, laisse imaginer la rondeur de ses hanches. En marchant dans son sillage, je perçois les fragrances orientales et épicées de son parfum. Je reconnais l’odeur envoûtante d’Obsession.
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