Risque et incertitude

Publié le par thomas dellart

Une distinction entre risque et incertitude

Dans le sens commun, ces deux mots sont synonymes. D’un point de vue étymologique, le risque (du latin «resecum», ce qui coupe, en rapport avec l’écueil qui menace une embarcation) fait référence à un danger sur lequel l’homme n’a pas le contrôle. Le risque est donc historiquement lié à l’homme confronté à un environnement qu’il ne maîtrise pas totalement. L’économiste Knight a introduit une distinction entre ces deux notions. Knight définit le risque au sens des probabilités: c’est un futur dont la distribution des différents états possibles est connue. Ainsi, avant même de jouer au Loto, nous ne connaissons pas le résultat, mais nous connaissons la probabilité de gain, liée au nombre de boules et au nombre de tirages. Le risque de gain est d’ailleurs si faible qu’il devrait nous dissuader de jouer…
D’autre part, Knight définit la notion d’incertitude comme un futur dont la distribution d’états n’est pas connu, et ne peut être connue. Le phénomène mis en jeu reste indéterminé, non par manque d’information mais de part sa nature même. Ici, il n’est pas question de tirage parmi une population connue, mais de choix dont les conséquences sont à venir. Par exemple, le résultat d’un match est incertain; ou encore, les conséquences d’une rencontre amoureuse ne sont elles pas incertaines?
Cette définition de l’incertitude, qui se rapproche de la notion de bifurcation et de trajectoire a été mobilisée de manière fructueuse pour caractériser un environnement propre à une rupture, hors des prévisions.



Je vois Charles-Edouard se tortiller sur sa chaise. Encore un cours qu’il ne va pas apprécier. Et oui, là encore, il n’y a pas de calcul. Il ne peut pas accepter le caractère incertain de toutes nos actions. Dans mon esprit, j’ai fait le rapprochement avec le cours de Patricia Pitcher sur le technocrate, l’artisan et l’artiste. Il me semble que chacun de ces trois personnages a un comportement différent face à l’incertitude.
Le technocrate est brillant. Il s’intéresse à tout, il semble maîtriser tous les sujets. Dans sa bouche, les mots sont convaincants. Mais méfiez-vous: dans sa tête, ces concepts sont désincarnés. Ce ne sont que des mots. Il ne voit pas les hommes et les femmes qui, derrière, ont acquis une pratique, et ne peuvent accepter de tout changer, comme ça, pour le plaisir de changer. Le technocrate n’a que des certitudes. Il va donc aller directement vers la solution qui lui semble la plus rationnelle, sans tenir compte des multiples conséquences possibles qu’il risque de provoquer sur le système déjà en place. Le danger du technocrate, c’est qu’il ne s’appuie pas sur une perception pour agir. Il agit parce qu’il s’est fixé un objectif. Et qu’il a la volonté de l’atteindre, coûte que coûte. Malheur à celui qui lui barrera la route. Un peu comme un bolide lancé à vive allure sur le périphérique encombré qui choisirait d’aller tout droit pour la simple raison que c’est le chemin le plus court! Evidemment, il pense que les autres sont des gêneurs – en fait, il ne les voit pas. Et fatalement, ne tenant pas compte des autres, il va droit vers l’accident.
L’artiste par contre recherche les situations d’incertitude. Epris de rêves et de liberté, il sait que c’est en s’échappant des routines et des conventions qu’il va pouvoir s’exprimer et proposer de nouvelles voies. Il va donc naturellement privilégier les chemins de traverse, alternatives à l’autoroute que tout le monde choisit par commodité. Il sait que c’est ce chemin qui va lui offrir de nouvelles découvertes
Ce qui est intéressant dans le travail de Patricia Pitcher, c’est d’avoir mis en avant l’artisan. Ce dernier fait appel à son expérience, il a besoin de routines. C’est lui qui construit les ponts imaginés par les artistes. Face à l’incertitude, il ne va pas chercher à aller vers l’inconnu spontanément. Il se limite à ce qu’il connaît bien, et s’y cantonne. Il préfère laisser à autrui le soin d’explorer de nouveaux espaces. Il n’ignore pas l’incertitude. Simplement, il n’est pas prêt à prendre de risque. Mais il reconnaît à l’artiste cette qualité de défricheur. L’artisan est le gardien des routines. Et sans routines, il n’y pas de comportement social possible.
Si chaque matin, l’humanité devait se réinventer, elle ne s’en remettrait pas.
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<br /> Je suis éprise de rêves et de liberté depuis toujours, et je m’exprime à ma guise, car je n’aime pas les conventions ni les habitudes ! Mon livre est édité chez Baudelaire, et j’espère que ça<br /> marchera, qui sait…Bonne journée<br /> <br /> <br />
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